Nord-Kivu : Voici le danger qui pèse sur la filière avicole, menacée de disparition à petit feu (CEMADI et COOCAV)

Nord-Kivu : Voici le danger qui pèse sur la filière avicole, menacée de disparition à petit feu (CEMADI et COOCAV)

10. décembre 2022 Allgemein 0
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Le Centre d’Education Managérial pour un Développement Intégré, CEMADI, avec la Coopérative Cailles et Volailles, COOCAV, dénoncent que la filière avicole est en danger et tend vers un déclin total au Nord-Kivu et surtout à Goma. L’aviculture est l’élevage des volailles, alors que la volaille est tout oiseau élevé ou chassé pour un but économique. Voici un article que le Service de Communication de ces deux Organisations a rédigé à ce sujet.

La filière d’aviculture est en danger 

« Le prix des aliments pour bétail et la pratique informelle du métier pèsent lourd sur la filière avicole en ville de Goma, et sont l’une des causes de l’insécurité alimentaire dans les ménages en province du Nord-Kivu. Pour y faire face, l’État devrait penser à organiser et structurer au plus vite la filière avec l’aide des privés. Et les résultats positifs sont possibles dans un laps de temps ».

Le Centre d’Education Managériale pour un Développement Intégré (CEMADI), une organisation non gouvernementale locale basée en province du Nord-Kivu, avec la Coopérative Cailles et Volailles (COOCAV) regroupant les éleveurs des cailles et des volailles dans la ville de Goma et ses environs, dénoncent la tendance de déclin total de la filière avicole en province du Nord-Kivu, en alertant à la fin de cette année 2022 que : « La filière avicole est en danger, elle tend vers un déclin total ». L’aviculture est l’élevage des volailles, alors que la volaille est tout oiseau élevé ou chassé pour un but économique :


Première cause : la carence et l’augmentation des prix de l’aliment pour volailles. Ils alourdissent considérablement les coûts de production. Et pour cause, en ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, les intrants (aliment, matériel, médicament…) sont, pour la plupart, importés à partir du Rwanda. Conséquence indirecte : entre 80 à 95 % de la filière est à caractère informel. Et ce, au niveau de tous les maillons de la chaîne : les fournisseurs (importateurs) des œufs, poussins et géniteurs, les distributeurs d’intrants, les fabricants locaux d’aliments, les aviculteurs, les tueries ou pseudo abattoirs, et la commercialisation.

Les données des enquêtes récoltées révèlent que, mis à part le point de départ du circuit – trois ou cinq petits importateurs occasionnels d’aliments pour volailles (Tunga, Zamura, Uzima checken et autres)  à partir du Rwanda et les petites initiatives de fabrication manuelle des aliments de sauvetage pour volailles à base du maïs et de soja, lors de la pénurie totale, les  quelques MPME agropastorales existantes, et tous les acteurs de la chaine opèrent dans l’informel, ainsi la filière reste obscure et non productif coté taxes et  les peu qui sont payées entrent dans une poche trouée du percepteur, longtemps ignoré du contrôle. Même si la sous-filière poulet de chair et cailles où on commence à enregistrer une maigre structuration que celle d’autres volailles (canard, dindon, pigeon, pintade, etc.), le tableau est peu luisant. Résultat : la maitrise des données réelles sur tous les maillons de la filière, leur structuration et régulation a bien longtemps été reléguée au dernier plan. C’est pourquoi la filière semble être oubliée pourtant très vitale en termes de contribution à la sécurité alimentaire surtout en cette période. Chose qui affecte très sensiblement l’alimentation, la nutrition dans les ménages et les revenus y attendus. D’où le constat recueilli en ville de Goma entre octobre et décembre 2022, un ménage sur dix consomme la viande blanche la semaine.

Bref : 80 à 95 % des élevages avicoles de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu travaillent dans l’informel.

Deuxième cause : la tendance d’abandon du secteur avicole par le service de la Pêche et Elevage(PEL) en particulier, et l’Etat congolais en général, caractérisé par (1) l’insuffisance criante des services vétérinaires appropriés en termes des formations, accompagnement technique, suivi, inspection vétérinaire, etc. vis-à-vis des éleveurs, (2) le manque de structuration des différentes filières avicoles, (3) l’absence des appuis que ce secteur reçoit de la part de l’Etat congolais et de ses partenaires, (4) le vieillissement de la main d’œuvre et des matériels de production dans les exploitations, (5) la non règlementation et structuration du domaine de commercialisation des produits avicoles, et enfin (6) la  concurrence régionale accrue dans le contexte de la mondialisation: afflue des importations au détriment de la production locale. Tout cela a creusé un profond fossé qui s’observe clairement entre les petits aviculteurs locaux et les agents des services publics. Un sur dix pourcent des aviculteurs locaux se sont fait connaitre auprès des services de tutelle, mais ne payent pas régulièrement leurs devoirs et obligations légales et fiscales (différentes taxes y relatives) fixée pour l’activité dans la nomenclature.

L’informel domine en dépit des différentes tentatives pour regrouper les aviculteurs en associations et coopératives par certains acteurs de développement. Cependant de temps à temps ces associations usurpent souvent le pouvoir régalien reconnu à l’Etat aux travers de ses services techniques de tutelle qui devra par exemple s’imposer dans le circuit de fabrication et la commercialisation des « aliments pour bétail », ou encore créer une « office avicole » pour traiter les questions spécifiques liées à l’aviculture. L’une des mesures à prendre urgemment, c’est le recensement automatique et numérisé des acteurs avicoles.

Résultat : l’informel – près de 80 % des activités du secteur – domine toujours par peur du poids de la fiscalité.


Trop d’œufs de cailles difficiles à écouler

Avec le boom de la multiplication des élevages des cailles observé au sein de la population de Goma, mais d’une manière désordonnée, au début de 2022 à la suite d’une large vulgarisation communautaire des propriétés médicinales des œufs des cailles  pour la prévention et le traitement de certaines maladies liées à la malnutrition et la sous-alimentation vécues par des populations très pauvres, beaucoup d’œufs ont été produits, que les aviculteurs ne savent écouler «  l’excédent de production d’œufs à couver ». Aujourd’hui, les professionnels mettent en cause la circulation sur le marché des faux aviculteurs occasionnels. Cette situation a été compliquée par les guerres et les déplacements massifs et fréquents des populations. Mais d’autres délaissent cette activité dès que les prix chutent et d’autres au moment de la faible consommation des œufs, en général à la fin et au tout début de l’année.

Résultat, et malgré la surdensité connue dans la ville à la suite de l’arrivée en masse des déplacés de guerres et catastrophes, le prix du poulet de chair et des œufs des cailles chute régulièrement. Certains professionnels expliquent aussi cette crise par l’introduction illégale de produits avicoles du Rwanda. Pour d’autres, il y a eu à certains moments surproduction d’œufs à couver… En aval de la filière, d’autres facteurs sont palpables, comme le déficit en moyens de transformation et de conservation des produits. Et ce n’est pas avec des interventions ponctuelles de multiplication des unités d’abattage de poulet ou le trop parlé politique que ce problème de fond sera réglé à l’échelle provinciale et même nationale. Bref, ces crises récurrentes résultent de la conjugaison de toutes ces dérégulations.


Redonner l’espoir

En fait, pour restructurer les filières avicoles et des viandes en ville de Goma, chef-lieu de la province, comme sur toute l’étendue administrative du Nord-Kivu, et notamment les œufs et les viandes blanches, il faudrait maîtriser les bonnes pratiques d’élevage et encourager l’investissement dans une filière globalement structurée. Ainsi, en favorisant la croissance des 20 % d’activité formelle (offices et privés déclarés) on pourra vaincre la nébuleuse informelle qui déstructure ce secteur. Malheureusement, ces actions de fond ne sont pas encore assez d’actualité pour la Division provinciale de la Pêche et Elevage (IPEL). Les professionnels attendent toujours les bonnes intentions affichées par les pouvoirs publics de « structurer la filière » à travers la Constitution des « Base des Données Numérisées(BDN) ». Un début de recensement des élevages informels de poulets, cailles, pigeons, dindons, etc. sera un pas pour redonner de l’espoir aux autres membres de la chaine.

La base d’une bonne organisation de la filière avicole en province du Nord-Kivu, à l’Est de la RDC doit commencer par la mise en place d’un système d’identification et recensement numérique des acteurs de la filière, et d’un observatoire du secteur, afin d’opérer un contrôle rigoureux des aviculteurs, et par le respect des normes. Pour cela il faudrait une réelle volonté politique et technique, malheureusement encore trop peu existante en 2022.