Déposition de l’Abbé Kakike au procès sur le pillage à Mabambi : « le militaire a fait d’abord passer la tête, je me disais si on n’était pas chrétien, on pouvait frapper cette tête »

Zoom sur la déposition faite par le Curé de la paroisse Sainte Joséphine BAKHITA de Mabambi du territoire de Lubero. En fait, l’Abbé KATEMBO KAKIKE Charles a comparu en qualité de renseignant dans le procès relatif aux actes de pillage rapportés le mardi 29 octobre 2024 en localité Mabambi du groupement Muhola en chefferie des Baswagha.
D’emblée, ce prêtre diocésain a indiqué que ce jour-là, la messe matinale n’a pas eu lieu. A la base, une présence inhabituelle des militaires en opération. L’Abbé KATEMBO KAKIKE Charles témoigne que les prêtres avaient été rassurés par des militaires que l’opération n’allait pas durer.
Et que par conséquent, il fallait que chacun s’enferme dans sa maison. La surprise a été de voir des militaires se pointer au presbytère avant de commencer à piller dans la cuisine, le dépôt des vivres et la buanderie.
« Nous, on pensait qu’ils allaient se limiter à ces 3 pièces-là ; dépôt-cuisine-buanderie. Ce qui nous a étonnés, ils ont commencé par agresser nos chambres. Nous étions 2 prêtres au salon avec le père croisier Dieudonné Maboko qui était visiteur chez nous. Ils ont cassé la porte du salon, ils n’ont pas su casser le verrou. Alors, un a cassé la vitre du salon à côté de l’écran et il a dit en Lingala ‘‘baboro ezali awa’’, (en français, ‘‘il y a beaucoup de choses ici’’). Il a quand même su retirer le convertisseur que vous voyez ici alors qu’il était encore à l’extérieur. Quand il n’atteignait pas l’écran, il a cherché le verrou de la fenêtre et il est passé. Il a fait d’abord fait passer la tête, je me disais si on n’était pas chrétien, on pouvait frapper cette tête », témoigne ce prêtre diocésain.
Dans la foulée, l’Abbé KATEMBO KAKIKE Charles dit avoir demandé pardon au militaire entré au salon. L’occasion s’est par la suite présentée pour prendre fuite.
« Il nous a rejoints au salon. Il était ébahi aussi qu’il rencontre 2 grands gaillards au salon. Le père m’a signalé que la chose à faire, c’est de demander pardon. Alors, j’ai dit ‘‘limbisa biso’’ en lingala, ndlr ‘‘pardonnez-nous’’, en français. Et lui a répliqué ‘‘juu nisi bapige masasi, mulete ma téléphones’’ en swahili, ndlr ‘‘si vous ne voulez pas que je vous crible des balles, donnez vos téléphones’’, en français. Notre chance est que, quand il traversait la fenêtre, il n’a pas sur entrer avec son arme. Il rentré à l’extérieur par la même fenêtre. Alors là, on s’est dit voici notre heure du salut. On s’est sauvé par la porte. Quand le militaire appelait en disant où est-ce que vous voulez aller ? Donnez les téléphones ! Le père a répondu que nous cherchions nos téléphones dans des chambres. Alors, on a fui, chacun dans sa direction en brousse. Le militaire qui est entré chez nous est ici, il n’y a pas beaucoup de gymnastiques à faire pour l’identifier, c’est le premier-là ; on s’est regardé dans les yeux », a pointé l’Abbé Charles KAKIKE.
Au bout de ce procès où l’instruction et le prononcé ont eu lieu en un seul jour, 4 de 5 militaires ont été condamnés jeudi 31 octobre par le Tribunal Militaire de Butembo à la peine de mort.
L’infraction retenue à leur charge est « pillage pendant l’état de siège et à l’occasion d’une opération tendant au maintien et rétablissement de l’ordre public ».Chacun de 3 prévenus condamnés pourra payer une somme de 5000 $ pour réparer les préjudices causés aux parties civiles. Le 5e a été acquitté pour insuffisance de preuves.
Pour contexte, des affrontements ont opposé des militaires à des miliciens pendant plusieurs heures de la journée de mardi 29 octobre 2024. Des détonations ont été entendues à Mabambi et environs sur la route Butembo-Vuyinga en territoire de Lubero, une trentaine de kilomètres à l’Ouest de Butembo.
Les militaires du 3416e régiment avaient la mission de déloger des miliciens qui semaient terreur et désolation dans des villages environnant le Mont Muhola. Mais, certains d’entre ces militaires ont agressé des prêtres au presbytère de la paroisse Sainte Joséphine Bakhita avant d’y piller des biens autant qu’ils venaient de faire dans des boutiques et maisons des habitants au village.
Patient Akilimali